La crise de la quarantaine, ça vous parle ? Voilà exactement ce dont il s’agit. Après plus de 10 années d’expérience dans le marketing, on ne peut pas vraiment dire que ma carrière ait été faite d’autant de hauts que je l’imaginais quand j’étais étudiant, impatient de me faire une place dans le monde du travail.

Être résilient face à l’insignifiance du travail

Beaucoup d’entre nous se sont déjà interrogés sur le quoi faire quand sa vie professionnelle devient de plus en plus insignifiante. Dans mon cas, je me suis pendant très longtemps observé en train de partir à la dérive, avant de passer à l’action.

Jusqu’à quel point peut-on rester fidèle à soi-même quand on vous demande d’agir contre vos valeurs et votre éthique du travail ?

Beaucoup d’entre nous ont vécu ce genre de situations absurdes où l’on vous demande de :

  • remplir des tableaux Excel et autres notes de synthèse vides de sens et que personne ne lira de toute façon
  • exécuter au plus vite des tâches « essentielles » avec des échéances, au final, à géométrie variable
  • exécuter un travail dans lequel vous savez que vous êtes le moins compétent et efficient
  • réaliser des activités sans aucun lien évident avec la stratégie globale de votre employeur

Bon gré mal gré, beaucoup de gens semblent pouvoir tolérer tout cela. J’en étais incapable. Heureusement, au fil du temps, j’ai découvert que la photographie, en particulier de paysages, était un bon moyen pour échapper à ces difficultés et rester positif.

Si, comme moi, vous êtes plutôt du genre créatif, sujet au doute de soi-même et à l’anxiété (le tristement célèbre « syndrome de l’imposteur », dans lequel vous doutez sans cesse de vos résultats, avec la peur d’être démasqué comme un imposteur) et attaché à fournir le meilleur travail possible, ce genre de situations peut vous rendre fou, voire à terme, vous faire sentir totalement inutile.

Année après année, emploi après emploi, je n’ai cessé de lutter contre cette insignifiance. Hélas, à un moment donné, mon cerveau m’a fait défaut – vidé de toute créativité, surchargé en négativité – puis mon corps. Épuisé, à bout. Game over. 

Redonner du sens après l’insignifiance

Après un burn out, il vous faut des mois, voire des années, pour récupérer. Pour moi, heureusement, c’était une question de mois, grâce à l’aide de mes proches et de bons médecins. Durant ce temps d’arrêt, j’ai pu réaliser que j’avais en fait entamé une nouvelle voie vers une transition quelques années plus tôt, aidé par un coach très précieux. La vérité est que je ne pouvais plus supporter tout ce non-sens.

Tout ce que je souhaitais, c’était délivrer un travail à la fois utile et excellent. Mais comment y parvenir ?

J’avais peur de me l’avouer, mais je n’avais pas d’autre choix que de devenir indépendant pour redonner un sens à ma vie professionnelle.

Surmonter le syndrome de l’imposteur

Ce qu’il y a de bien avec le syndrome de l’imposteur, c’est que vous ne ménagez pas vos efforts pour vous rassurer que vous méritez votre travail et que vous n’êtes pas si incompétent face à vos collègues et à vos pairs.

Malheureusement, les apparences flatteuses et le “vite fait bien fait” sont généralement plus valorisés que le fastidieux travail de fond. En tant que marketeur (naïf), j’aurais dû savoir que la communication est davantage récompensée que l’action…

Plus je me détournais de ces apparences clinquantes et de ces chiffres sans âme, plus je trouvais du réconfort dans les arts visuels, en particulier la photographie. C’est à ce moment que sont apparues mes velléités de passer à autre chose.

Mais comment passer d’un domaine, où vous êtes reconnu par vos diplômes et votre expérience professionnelle concrète, à un autre, où vous n’avez en fait… rien ? Facile ! Vous tirez parti de votre talon d’Achille, de votre syndrome de l’imposteur, pour avancer ! 

Facile à dire, me direz-vous, mais en prenant du recul, a fortiori quand vous avez atteint le fond, les pièces du puzzle commencent à s’assembler dans votre esprit, comme par magie. Et c’est quelques temps plus tard, au travers d’une conversation avec un vieil ami de l’université, que j’ai « enfin » découvert ma vraie nature : je fais partie de ceux qu’on qualifie par un mot désormais à la mode : « Asperger ». Comme Greta Thunberg, obsédée par le changement climatique, comme mon ami, obsédé par les problématiques économiques et sociales, j’étais aussi obsédé : par la photographie. Surtout, j’avais désormais ce quelque chose que très peu de gens ont et que Greta a magnifiquement résumé en un mot : un « super pouvoir ».

Nos sociétés modernes attendent une certaine uniformité. Je pense au contraire que la capacité à observer et penser le monde d’une façon différente et simplifiée, avec des mots clairs et nets, est un réel don. Tout particulièrement quand vous savez que ces personnes ont travaillé sans relâche pour atteindre l’excellence dans un domaine d’expertise. Enfin et surtout, être différent en tant qu’artiste est plus qu’un avantage, cela devrait être un prérequis.

Ne t’en fais pas, sois heureux!

Soudain, j’ai réalisé que le plus gros handicap qui avait miné ma vie professionnelle pendant plus de 10 ans allait devenir mon plus grand atout. Vous pourriez vous écrier : « Mais enfin Cédric, faire des photos, n’est-ce-pas justement l’art ultime de créer des apparences clinquantes que tu sembles si peu apprécier ». Oui et non.

Même si cela ne semblera pas évident pour une large majorité des gens, une bonne photo et un bon photographe sont en fait le résultat de centaines, voire de milliers d’heures de travail de fond et d’expérimentations. Petit à petit, pas à pas, je me suis mis à travailler vers une seule et même direction.

Jusqu’à ce que je réalise que, même si je suis encore loin de mes objectifs personnels, j’ai réussi à construire quelque chose de bien plus grand que ce que j’aurais pu imager. Je ne le savais pas encore, je n’étais pas encore prêt à le voir, mais j’étais enfin en accord avec mon vrai moi.

C’est à ce moment-là que j’ai cessé de m’en faire et que j’ai fait de ma passion ma nouvelle carrière.

Je peux maintenant viser l’excellence, sans aucune concession. Qui plus est, j’ai enfin trouvé le moyen d’exprimer ma sensibilité qui – vous ne le savez peut-être pas – n’est pas la première des qualités humaines chez un Asperger… Et pourtant, croyez-moi, nous en avons aussi !

Convaincu par mes choix, j’ai désormais hâte de croquer cette nouvelle vie à pleines dents, en tant qu’artiste, en tant que photographe. 

Crédit photo: Pixabay