Je l’avoue, comme beaucoup de personnes, je suis à l’affût des bonnes affaires. Quelle agréable sensation que de s’offrir un service de qualité professionnelle pour un prix défiant toute concurrence !

Depuis plusieurs mois, je vois d’ailleurs passer un certain nombre de ces bonnes affaires sur Groupon.

  • ici, un shooting photo professionnel dans le Brabant wallon à 19€ au lieu de 150€,
  • là, un photo shoot studio sur Bruxelles à 24,99€ au lieu de 325€

Jusqu’à 92% de réduction !!! Des prix dignes du hard discount, qui me laissent à la fois admiratif et perplexe.

Quelle sera la prochaine étape : la gratuité pure et simple ?

Combien gagne un photographe hard-discounter ?

Prenons ce photographe à 19€ TVAC la séance. Qu’avons-nous pour ce prix ? 1h30 de shooting + disons 30 min – estimation à la grosse louche – pour quelques corrections de masse et l’envoi des photos par mail.

Petit calcul rapide :

2h de travail pour 15,70€ HTVA
MOINS environ 20% de commission Groupon
MOINS environ 35% de taxes, si notre « professionnel » est enregistré comme société et non comme simple indépendant

Soit, 4€ de salaire net pour 1h de travail : Même pas de quoi se payer un bac de 24 Carapils !

Or, derrière chaque photographe professionnel se cache une double chaîne de valeurs :

    1. Une quantifiable : l’investissement en matériel professionnel – à hauteur de plusieurs milliers d’euros – qui sera amorti sur plusieurs années de travail.
    2. Une intangible, et néanmoins très perceptible qui différencie, a priori, le pro de l’amateur et, a fortiori, le bon photographe du mauvais photographe : la démarche artistique et le style qui sont le résultat de multiples formations, expérimentations, pérégrinations, discussions et confrontations à différents types d’art.

Que penser dès lors d’un photographe dit « professionnel » qui brade ses services et son art à ce point ? Quid de sa valeur économique et artistique ?

Un non-sens économique

Il est difficile de blâmer un consommateur au budget serré, soucieux – et c’est son droit – d’en vouloir pour son argent. Et cela, d’autant plus qu’Internet nous a habitués, ces dernières années, à la gratuité totale ou presque. Soit dit en passant, à tort, mais c’est un autre débat.

Hélas pour notre photographe low cost, la quasi-gratuité apparente de ses prestations photos ne saurait être compensée par l’utilisation commerciale des données personnelles de ses clients. N’est pas Facebook qui veut ! Bref, à moins de croiser un photographe rentier qui se fiche d’être rentable, la conclusion est implacable : un shooting photo à prix ultra-réduit implique une qualité, elle aussi, ultra-réduite.

4€ net pour 1h de travail : Même pas de quoi se payer un bac de 24 Carapils !

A raison de 4€/h, notre hard-discounter devra travailler 75h par semaine pour pouvoir prétendre au salaire mirobolant de… 1200€ net ! Impossible dans ces conditions de mettre assez d’argent de côté pour renouveler son matériel, comme tout professionnel qui se respecte.

Le photographe low cost pense-t-il sincèrement boucler ses fins de mois en multipliant des shootings à prix plancher, à l’instar d’un ouvrier, travailleur à la chaîne ? Serait-ce là le taylorisme du XXIème siècle ?

Un non-sens artistique

In fine, LA question qui fâche, selon moi, est d’ordre artistique. Quel photographe, respectant un tant soit peu son corps, son esprit et ses pairs, peut-il brader son art à des prix aussi dérisoires ?

Comme écrit plus haut, une bonne moitié, pour ne pas dire l’essentiel de la valeur d’un photographe n’est pas quantifiable. Un bon photographe, comme tout bon artiste, ne saurait travailler de 9h à 17h tous les jours. Non pas par fainéantise. Sauf exception, un indépendant travaille toujours beaucoup plus qu’un salarié. Mais parce que la créativité et l’art en général requièrent une disponibilité et une ouverture d’esprit constante. Ca ne se voit pas, mais une très bonne photo est toujours le résultat de dizaines, voire de centaines d’heures à rêvasser, à observer, à emmagasiner, digérer et mettre à exécution des idées. Le concept de travail artistique à la chaîne est donc un non-sens complet !

Dès lors, travailler au moins 75h par semaine ne présage rien de bon au niveau artistique / qualitatif. Pis, à ce tarif-là, le burn-out n’est pas loin.

Le photographe low cost pense-t-il sincèrement pouvoir s’affranchir de ses limites physiques et psychologiques ?

Un préjudice pour toute une profession

Chacun est libre de faire ses propres expériences. Néanmoins, si ce genre de pratique devait perdurer, elle finirait par jeter un discrédit irrémédiable sur toute une profession. En entretenant cette illusion qu’un photoshoot « professionnel » ne vaut pas plus que 19€ ou 24,99€, ces photographes low cost se tirent non seulement une balle dans le pied, mais, plus grave encore, ils jouent la crédibilité de tout le secteur de la photographie. Ou comment transformer un acte désespéré en une démarche désespérante pour toute une famille de professionnels.

Et si vous cherchez un photographe professionnel sur Bruxelles qui ne sacrifie pas la qualité de son travail sur l’autel des prix, vous pouvez toujours me contacter ici pour un shooting studio.